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Stage Text(ile) : réparation et résilience.

Dernière mise à jour : 23 juin 2020


Stage text(ile), résilience et réparation

Elles étaient 3, ce dimanche matin de juin à être venues participer au stage Text(ile), un atelier à médiation mixte animé par Claire et Catherine, toutes deux art-thérapeutes. Ces deux thérapeutes se sont rencontrées, il y a 2 ans et ont décidé de mettre en commun leur amour pour le tissage, l’une des mots et l’autre des fibres.

En effet, texte et textile, sont deux termes intimement liés par une même origine étymologique.

Texte vient du mot latin textus qui signifie “tissu ”. Ce mot est construit à partir du verbe texere qui signifie “tisser” (construire, tresser en entrelaçant), mais aussi entrelacer, échanger des propos, composer des lettres en langage usuel.

On peut relever dans le langage courant un nombre impressionnant d’expressions qui font référence à la nature textile de l’écrit : tisser la trame d’un texte, le nœud d’une histoire, tissu d’erreurs, de mensonges, d’invraisemblances, de fil en aiguille, cousu de fil blanc, l’étoffe des songes, tailler un costume… Nous pourrions filer la métaphore pendant bien longtemps encore !



Les 3 participantes que nous appellerons, Elise, Fanny et Francesca sont toutes venues avec des motivations différentes, attirées soit par l’intitulé du stage « Résilience et Réparation » soit par le mélange des médiations artistiques proposées : le textile et l’écriture ; mais plus encore par cette étrange « ile » entre parenthèse qui à la fois sépare et relie les 2 mots, texte et textile.

Lors du traditionnel tour de table, chacune évoque ses relations à l’écriture et à la couture, des relations souvent douloureuses et compliquées : la contrainte et la stigmatisation sociale attachée à l’une et à l’autre, le rôle de la transmission, le rapport à l’école et à l’éducation des filles, le sexisme... Déjà, un fil se noue entre les participantes.

Un premier temps est consacré à l’écriture. Chacune inscrit sur des post-it collés sur une grande feuille des mots ou expressions liés au tissu. Les souvenirs éclatent à la surface comme des petites bulles colorées. Chacune détricote son fil : l’une s’amuse avec des expressions liées au tissu, l’autre déroule la bobine des sensations et du toucher, la dernière tire un fil métaphorique, celui de toute une vie.

Chacune est ensuite amenée à faire l’inventaire des souvenirs liés à des vêtements ou étoffes perdus ou détériorés puis à choisir l’un de ces souvenirs pour le développer. On saisit bien à ce moment en quoi l’atelier est une île entourée par les autres, un cadre protégé et sécurisant. Les mots sépia disent la tendresse, la douceur des matières, mais aussi la douleur de la perte, de l’usure, des regrets et de certaines absences. De l’une à l’autre, les mots se font pudiquement échos. L’émotion est palpable, quelques larmes coulent. Chacune renoue avec son intériorité et tisse des liens secrets avec les autres participantes.



A l’issue de ce travail sur le texte qui a permis à chaque participante de se recentrer sur elle-même, Claire lance la proposition suivante : quand quelque chose est abîmé, qu’en fait-on ? C’est vrai que dans nos sociétés d’hyper consommation et d’obsolescence, nous ne sommes plus amenés à réparer, nous jetons tout simplement, sans penser qu’objets et vêtements pourraient avoir une seconde vie et être réparés. L’art-thérapeute ajoute pour guider les participantes que toute réparation est précieuse et raconte une histoire. Elle évoque la technique du Kintsugi qui est une méthode de réparation japonaise des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d’or. Elle évoque également le Boro qui est une catégorie de textiles japonais qui ont été raccommodés ou cousus ensemble. Le terme est dérivé du japonais Boroboro qui signifie « quelque chose en lambeaux ou réparé ». Les coutures y sont apparentes et denses. Dans les deux cas, la blessure existe et demeure bien visible, mais elle n’est pas niée, elle est réparée tout en étant sublimée. De la résilience en somme.



Après un temps d’hésitation, chaque participante qui avait été invitée à apporter un tissu aimé et prêt à être jeté se met au travail en palpant, froissant la matière. Etrangement, chacune a apporté une étoffe en accord avec sa tenue du jour : du bleu, du rose, des teintes poudrées. Les mains hésitent, réfléchissent et se mettent en action, en tâtonnant d’abord, puis, comme si elles avaient une conscience propre, elles déchirent, lacèrent, tressent, superposent d’autres objets, assemblent, cousent… La table surchargée s’anime dans le silence des intériorités. La beauté des matières entremêlées et de ces mains concentrées sont fascinantes, presque envoûtantes. Les tissus reprennent vie. Des perles scintillantes et des sequins rendent à cette écharpe la légèreté marine et l’éclat perdu dont a besoin la participante ; une étoffe peinte aux motifs ethniques ourlée de fourrure offre une seconde vie plus sauvage à cet emblématique et classique tissu à carreaux devenu sac de voyage ; des objets et des photos incrustés dans une autre écharpe impriment dans la trame toute une histoire de vie qui sera, a décidé la participante, accrochée au mur, n’en déplaise aux autres membres de sa famille.

L’atelier est bien un temps hors du temps, une île aux contours mouvants et solides, un espace de liberté et de créativité qui permet de se relier profondément à soi et aux autres afin de (se) réparer et de (se) sublimer.

L’objet « prêt à être jeté » ne le sera plus !

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